Article original datant du 17/03/22
Ce n’est pas la première fois que la Chine tente d’acheter du pétrole en yuans plutôt qu’en dollars, et elle pourrait maintenant avoir trouvé un vendeur consentant. L’Arabie Saoudite, qui vend un quart de ses exportations à la Chine, envisage de réaliser ces ventes en yuan, rapporte le Wall Street Journal.
Ces négociations, qui ont connu des hauts et des bas au cours de la dernière demi-décennie, ne sont pas près de fructifier. D’une part, l’Arabie saoudite fixe son riyal au dollar, de sorte que tout dommage causé par inadvertance au dollar nuira à sa propre monnaie. Mais l’hégémonie géopolitique des États-Unis repose de manière si significative sur le pétrodollar – avec 80 % des transactions pétrolières mondiales libellées en dollars – que la question est toujours présente. À quoi ressemblerait le monde si le pétrodollar devenait la monnaie de prédilection de l’industrie pétrolière ?
La domination économique des États-Unis s’est construite sur le pétrodollar
Le statut robuste du dollar en tant que monnaie de réserve doit beaucoup à la force de l’économie américaine. Mais il découle également de l’abondante liquidité du dollar, qui résulte en partie du maintien par les pays de réserves de dollars pour acheter du pétrole.
Ce lien a été forgé au début des années 1970, peu de temps après que le président Richard Nixon ait découplé le dollar de l’or. En 1974, Washington et Riyad ont conclu un accord selon lequel l’Arabie saoudite pouvait acheter des bons du Trésor américain avant leur mise aux enchères. En contrepartie, l’Arabie saoudite vendrait son pétrole en dollars, ce qui non seulement augmenterait la liquidité de la monnaie mais permettrait également d’utiliser ces dollars pour acheter de la dette et des produits américains. L’économiste politique David Spiro, dans son livre The Hidden Hand of American Hegemony, a décrit comment l’Arabie saoudite a convaincu les autres nations de l’OPEP de facturer le pétrole en dollars, plutôt que dans un panier de différentes devises.
Si le yuan supplante le dollar dans une mesure suffisante dans le commerce mondial annuel du pétrole de 14 000 milliards de dollars – bien qu’il soit difficile de dire quelle serait cette mesure suffisante – les pays devront maintenir des réserves en yuan à la place. (Pour l’instant, 2,48 % des réserves mondiales sont détenues en yuan, contre 55 % pour le dollar, selon les données du FMI). Les producteurs de pétrole qui recevraient des yuans devraient les dépenser sur la dette et les importations chinoises, ce qui renforcerait encore l’économie chinoise, mais si le monde était particulièrement inondé de yuans, d’autres échanges pourraient commencer à être libellés en yuans : les métaux, par exemple, ou le soja.
Composition en devises des réserves officielles de change en trillion (WIKI)
- Dollars US – 7.1
- Euros – 2.5
- Yen – 0.7
- Livres sterling – 0.6
- Yuan – 0.3
- Dollars canadiens – 0.3
- Dollars australiens – 0.2
L’effet sur la Chine et les États-Unis serait profond. Pour préserver le nouveau rôle du yuan, la Chine devrait garantir la stabilité politique et la transparence financière, du type de celles promises par les États-Unis au XXe siècle. Les capacités des États-Unis à émettre des dettes en dollars et à gagner des dollars pour leurs exportations diminueraient, de sorte que leur économie se contracterait. Dans cette situation, l’affaiblissement du dollar pourrait déclencher un cercle vicieux : fuite des capitaux du dollar vers le yuan, débilitant davantage le dollar.
Selon les experts, il est peu probable que ces événements se produisent. L’analyse de ces éventualités, cependant, est un rappel utile de la façon dont une grande partie de notre époque moderne – du succès des sanctions aux progrès de l’énergie verte – repose sur la force du dollar américain.